MEISHI 名刺

Lors de mes recherches pour le livre Oracles. Artists’ Calling Cards, je suis tombé sur cette carte de l’ambassadeur français (ou belge peut-être ?) du Japon, de 1905. Je me suis dis que j’aurais pu usurper la fonction puisque, comme lui à l’époque, je suis en deuil. La largeur du bord noir imprimé sur les éléments qui constituaient un nécessaire de correspondance, indiquait le degré que l’on entretenait avec le défunt ou la défunte. Plus le bord était large, et plus la personne était proche.

Sur l’histoire et l’usage, ou plutôt le rituel, tellement codé au Japon, de la carte de visite, je renvoie à l’article de Yusuké Y. Offhause dans le livre déjà cité, dont je publie ici un extrait en français :

Bon nombre d’articles expliquent que les premières mentions des formes anciennes de la carte de visite apparaissent en Chine dans des documents datant de la dynastie Tang, entre les 7e et 10e siècles.
Lors d’une visite chez quelqu’un qui était absent, on écrivait son nom sur l’écorce d’un arbre glissée sous la porte, ou sur un petit bout de bambou coincé dans l’embrasure. Ce signe marquait le passage d’une personne. L’équivalent actuel de cet usage serait l’avis qu’un livreur nous laisse en cas d’absence.
Aujourd’hui, les Japonais appellent la carte de visite meishi. Mei signifie le nom et shi signifie percer, piquer. Néanmoins l’usage courant de meishi au Japon remonte au début du 19e siècle. Au départ, les Japonais écrivaient directement leur nom sur un papier japonais (washi). Les meishi imprimés apparaissent vers 1860 mais leur usage était réservé aux personnages officiels, qui l’utilisaient pour se présenter aux étrangers. Vers 1870, de plus en plus de gens commencent à avoir leurs meishi.

Aujourd’hui, les Japonais utilisent plus de meishi que les Chinois, bien que ces derniers en soient à l’origine. Leurs meishi ressemblent aux cartes de visite qu’on trouve en Occident. Y figurent un nom, un prénom, le nom et le logo d’une entreprise, un poste à responsabilité, un numéro de téléphone, une e-mail et l’adresse de l’entreprise, etc. Néanmoins, la manière de considérer la carte de visite y est très différente. Les Japonais accordent une grande importance au meishi. Par exemple, beaucoup d’entreprises forment leurs employés en prétendant qu’il faut penser son meishi comme son propre double. Car le meishi incarne les informations liées à son-sa propriétaire. Quelqu’un ne donnant pas d’importance à son meishi est considéré comme une personne qui néglige son travail et qui manque de confiance en lui-elle.

Il existe aujourd’hui des applications pour gérer une collection de meishi sur son ordinateur. Par exemple, Sansan propose de les stocker sur un Cloud sécurisé. Le slogan de cette société est : « Transformez vos meishi en capital d’entreprise. » La gestion des meishi n’est pas négligeable pour le business, parce qu’une importante négociation commerciale peut commencer par l’échange d’un simple morceau de papier.

Avec à la complicité de Clovis Duran, j’ai pu concevoir mon indispensable meishi, qui mentionne que j’ai le titre de professeur – très respecté au Japon – et aussi que je suis le directeur du Musée des Erreurs.

Voir pour la première fois son nom composé en katakana, c’est un peu devenir quelqu’un d’autre.

 

2 thoughts on “MEISHI 名刺

  1. Je pense que le pas suivant sera de vous faire fabriquer un petit « hanko », un tampon avec votre nom en katakana et qui vous servira de signature. Lors de mon séjour dans les années 80 (de quatre ans et demi et non pas de deux ans et demi 🙂 ) cela me paraissait extraordinaire que l’on puisse avoir un sceau faisant office de signature pour les chèques ou bien pour parapher un document reçu en entreprise. Plus tard, des amis m’ont trouvé des caractères sino-japonais pour un autre sceau et plus tard encore, mon professeur de calligraphie m’a attribué un nom de calligraphe et en a fait fabriquer le sceau correspondant. Cette multiplication de signatures et de noms me plait bien et aurait certainement plu à Pessoa 😀

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